Sir Alex Ferguson a parlé à Sir David Frost, un célèbre présentateur outre-Manche, de cette fameuse nuit à Moscou, de son futur à Old Trafford et de ses meilleurs souvenirs à Manchester United.


Sir Alex, quand vous avez marqué un hat-trick pour les Rangers, vous avez dit "maintenant je crois au surnaturel". Vous y avez cru de nouveau lors de cette soirée à Moscou?

Hé bien, j'ai certainement pensé qu'il y avait un coup de main du destin. Il y a tant de choses qui ont coïncidé avec des événements passés, comme par exemple le fait que cela tombe lors du 50e anniversaire de Munich bien sûr. Mais vous savez, dans mes finales européennes, trois d'entre elles ont vu tomber la pluie, et chaque fois je me suis dit "C'est mon jour!" Vous savez, c'était juste un sentiment. Mais quand c'est allé aux tirs au but et que j'ai vu John Terry avancer vers le ballon, je savais qu'il ne le mettrait pas.

Avez-vous dit quelque chose de particulier à la mi-temps, un changement tactique ou autre chose?

Pas à la mi-temps. Ce que j'ai dit à la mi-temps est que nous avions gagné la première période, et qu'on devait gagner la seconde parce que selon moi nous avions dominé et eu de fantastiques occasions. On n'a été rattrapés que par un coup de chance, un tir tout mou dévié qui est arrivé dans les pieds de Frank Lampard et bien sûr il a fait ce qu'il fait toujours, marquer dans ce type de situation. Et bien sûr, ma pensée en rentrant dans le tunnel était que les joueurs ne devaient pas se laisser affecter par ça. Ca a donné un gros coup de boost à Chelsea, parce qu'à ce moment-là ils savaient qu'ils n'étaient plus dans le coup. Mais ils ont eu cette nouvelle chance qu'ils ont su saisir -- ils ont été meilleurs que nous en seconde période. Une équipe puissante, expérimentée. Et c'est pendant la deuxième mi-temps que j'ai fait les changements tactiques. C'est d'ailleurs pour ça que j'ai aligné cette équipe, elle était plus flexible si j'avais envie de changer de système de jeu.

Vous avez dit que vous regardiez dans les yeux des joueurs pour voir s'ils avaient encore faim en vue de la saison prochaine?

Oui, tout le temps. Quand on a gagné le championnat la première fois, je suis sorti du vestiaire, et j'ai dit aux joueurs que j'avais écrit trois noms et que les avais mis dans une enveloppe. Ce serait ces joueurs qui nous laisseraient la saison prochaine -- bien sûr il n'y avait pas d'enveloppe. Et ils regardaient tous et disaient : ce n'est pas moi! Ils se regardaient tous les uns les autres, vous savez. La saison suivante, je l'ai fait encore une fois, et je crois que c'est Gary Pallister qui a dit : je crois qu'un de vos noms est là-dedans boss! C'était juste un défi pour eux, parce que gérer le succès n'est pas facile, vous savez?

Est-ce que vous êtes confiant à propos de Ronaldo? On vous voit dans tous les journaux parler du Real, mais je pense que vous êtes confiant...

Oui, je suis confiant. Très confiant même. C'est un petit jeu auquel ils jouent tout le temps, David. Ils l'ont fait avec Beckham, avec van Nistelrooy, avec mon préparateur physique l'été dernier, ils l'ont fait signer, donc on a l'habitude. C'est bien parce que c'est un compliment envers le niveau de nos joueurs, mais je suis plus que confiant quant au fait que Cristiano sera ici l'an prochain.

C'est une bonne nouvelle pour tous les fans. Et après tout, il lui reste quatre ans de contrat donc si vous ne voulez pas le laisser partir, il ne partira pas.

Exactement, c'est ça -- et on a des directeurs très déterminés dans la famille Glazer, qui ne se laisseront pas brouiller par la situation. David Gill est dans le même esprit, donc toute l'ossature principale du club, ceux qui le font tourner, veulent voir Cristiano rester pour longtemps. Et on a fait ce qu'il fallait pour. Il a un contrat déjà exceptionnel et c'est justifié, car il est le meilleur joueur du monde. Cela mérite d'être reconnu au niveau de son salaire, il en est heureux, et ça nous va.

En termes de grands joueurs et de gros transferts, il y en a un ou deux qui vous ont forcément échappé. Qui était-ce? Alan Shearer en faisait partie, pas vrai?

En effet, mais pour moi, la grande déception a été Paul Gascoigne. Pour moi, c'était le meilleur joueur du football anglais de sa génération. Il était un souffle d'air frais car il jouait toujours avec le sourire, mais en plus il avait cet engagement énorme, en plus de ses grandes qualités. Il aimait jouer, il aimait gagner. J'ai rejoint le club en 1986, en mars 1987, on jouait le maintien et on rencontrait Newcastle. Il avait été blessé, il était revenu et donc ce jour-là, mes trois milieux centraux étaient Robson, Whiteside et Moses. Trois excellents joueurs. Et il les a déchirés. Il a passé un petit pont à Reme Moses juste en face de moi qui étais dans la fosse, puis il est revenu vers Reme et lui a tapoté la tête. Je suis sorti du banc et j'ai crié "Prenez-le, il passe pas!" Robbo et Whiteside l'ont poursuivi partout sur le terrain mais n'ont pas réussi à l'avoir... Après le match, j'ai dit au président : "On ne part pas, il faut parler au président de Newcastle, je dois avoir ce garçon, c'est le meilleur que j'aie vu depuis des années..." On a pu parler au joueur finalement. Je lui ai parlé le soir avant d'aller en vacances, il m'a dit "M. Ferguson, allez en vacances, amusez-vous, je signerai pour Manchester United, ne vous inquiétez pas." Je me suis dit : génial! Je suis allé en vacances, allongé au bord de la piscine... "M. Ferguson est demandé à la réception, c'est Martin Edwards."

Le président [de Manchester United], hein?

Oui, Martin, le président. Il m'a dit qu'il avait de mauvaises nouvelles. Paul a signé pour Tottenham. Je me suis dit, oh mon Dieu, comment c'est possible? Il m'a dit qu'apparemment, Tottenham avait acheté à ses parents une belle maison dans le Nord-Est et que ça a conclu le deal. Je pense que c'était une belle erreur et Paul l'admet aujourd'hui, parce que pour un jeune footballeur de 19 ans, aller à Londres n'est pas facile.

Pensez-vous que vous auriez pu l'aider avec ses problèmes de personnalité?

Hé bien, ce qu'on aurait pu lui enlever, c'est Londres. On a eu Bobby Charlton, un Geordie [nord-est de l'Angleterre, NDLR]. On a eu Bryan Robson, un Geordie. Steve Bruce, un Geordie. Gary Pallister, de Middlesbrough. On avait tout une structure de joueurs qui auraient pu l'aider et je pense que ça l'aurait discipliné, alors peut-être qu'on aurait pu l'aider oui.

Vous garderez votre enthousiasme jusqu'après vos 70 ans?

[Rires] Je le garderai oui, mais est-ce que ce sera dans le football, je n'en suis pas si sûr! Non, je ne le pense pas, pas plus de trois ans - peut-être même deux.

Deux ans de plus?

Oui, je pense. Je dois aussi respecter ma femme parce qu'elle souffre. Elle a souffert de ne pouvoir aller aux matchs. Elle n'est pas une fan de football vous savez -- juste une fan d'Alex Ferguson -- elle est la mère de ses trois garçons et la grand-mère de leurs enfants. C'est sa vie. Donc quand match il y a, elle ne le regarde pas. Elle regarde juste le télétexte. Vous y croyez vous ?

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