Valencia, joueur du mois de janvier

Aussi peu surprenant que le crochet du principal intéressé, le choix du joueur du mois des membres de Manchester Devils s'est naturellement porté sur Valencia, auteur de performances de haut vol ces dernières semaines. Mise en lumière sur un joueur de l'ombre, et nous ferons comme-ci ce subtil jeu de mot n'avait jamais été fait auparavant...


Été 2009, Cristiano Ronaldo quitte la grisaille et les succès mancuniens pour le Real Madrid, nous laissant seuls avec 94 millions, des questionnements stériles sur son statut dans la riche histoire des Red Devils, un peu d'amertume et une incapacité chronique à présent sur les coups de pieds arrêtés. Un portugais qui file à l'anglaise vers l'Espagne, c'est peut-être ça la tant redoutée mondialisation dans le football. On croira le revoir parfois, dans un dribble de génie de Nani, à travers l'efficacité redoutable d'un Hernandez, ou l'arrogance d'un Evra. Mais le voilà bel et bien sous des cieux de la Casa Blanca, à embrasser un rêve et un écusson loin des notre. Aussitôt le choc de son départ -certes inévitable à court terme- encaissé, le regard de la planète football va se pencher vers Ferguson, en deuil de son fils prodige, qui a la lourde tâche de lui trouver un successeur.

La ''future'' star est toute trouvée, elle était déjà là depuis longtemps, tapie dans l'ombre des statistiques de l'ex-numéro 7. C'est désormais Rooney qui aura sur lui la lumière, les articles de presse, le classement en haut du ballon d'or, les caprices d'enfant-gâté, et le préfixe ''ce diable de'' devant son nom quand Christian Jean-Pierre commentera un match des nôtres. Mais force est de remplir l'aile droite mancunienne, depuis toujours vitale à nos succès. Et pour succéder à l'enfant devenu Roi, Ferguson va prendre tout le monde à contrepied, tel une prémisse du sort réservé à ceux qui devront défendre face à cette nouvelle recrue.

Antonio Valencia arrive donc à Manchester, sous les ''cékivalencia ?'', ''Je n'ai pas bien compris, Manchester à recruter qui à Valence ? Villa ou Silva ?'' et autre ''Manchester est perdu !!! Il faut acheter des top players !!!''. La majeure partie des fans lui prédisent un avenir à son image, complètement noi.. euh discrète, et le spectre du ballon d'or 2008 semble destiné à hanter encore les travées d'Old Trafford. Force est de reconnaître que ce ne sera nullement le cas. Bien sûr, comme les fans se plaisaient à le chanter ''There's only one Ronaldo'', Valencia ne sera jamais couronné meilleur joueur du monde, il ne tapera probablement jamais une mine de 40 mètres dans un match couperet de Ligue des champions, et il est difficile de l'imaginer marquer 42 buts en une saison.

Pourtant, s'il ne remplace pas celui-dont-on-ne-peut-prononcer-la-marque-de-gel, il compense amplement son départ. Par sa défense, son jeu collectif, ses centres millimétrés sur le crane dégarni (et oui, c'était en 2009, les choses ont bien changé depuis) de Rooney, sa présence dans les grands matchs, et sa régularité au cours de la saison, qualité bien rare dans l'effectif mancunien. Les fans d'Old trafford apprennent à l'apprécier, à le trouver sympathique malgré une absence de sourire, à saliver lorsqu'il met à terre son opposant d'un coup d'épaule, à se préparer à célébrer un but lorsque l'équatorien sur son aile centre vers les buts, et à vanter aux quatre coins de l'Albion sa puissance et ses courses.

On a perdu un cyborg, mais on a récupéré un Terminator. Valencia est un homme de négation, il ne sourit pas, ne marche pas, ne tombe jamais, ne faiblit pas, il ne porte même pas le numéro sept. Tonio, c'est le 25, deux comme son nombre de geste technique, cinq comme le nombre de fois par match en moyenne que le latéral adverse se retrouve les fesses à terre. Sous l'impulsion de ses passes décisives et de quelques un de ses buts, cette équipe mancunienne devient la troisième plus prolifique de l'histoire de la Premier League, pas mal pour un début. Sa première saison est celle de ses premiers faits d'armes, il remporte une Coupe de la Ligue, échoue à un point devant la machine russe pour le championnat, et figure même dans l'équipe-type de la Premier League, ce qui reste à ce jour sa troisième plus grande joie sous nos couleurs , après le trophée de champion glané l'an dernier et le fait que je lui dédicace une chronique.

Sa deuxième saison va tourner aussi mal que sa jambe, dans un match de poule de la plus prestigieuse des compétitions. Personne ne peut blesser Chuck Valencia. Si Antonio Norris se blesse, c'est que lui-même l'a fait. United, dans un début de saison timide, se voit priver d'un de ses meilleurs éléments, pour de longs mois. Durant ses si longues semaines de convalescence, l'équatorien observera Chelsea de son ascension irrésistible jusqu'à sa chute irréversible, et l'écart de points fondre comme neige ; assistera à la montée en puissance de Nani, la révélation Hernandez, les matchs bafouillés à l'extérieur et notre domination à domicile. Ironie d'une histoire décidément bien cruelle avec les gunners, il fait son retour de blessure face au club le plus touché par ce phénomène, bouscule deux-trois gamins, et la machine est de retour.

Il retrouve vite sa forme optimale, joue latéral, ailier, peu lui importe, le voilà à nouveau coller sa ligne blanche tel un Maradona, cassant reins et épaules avec une facilité et une régularité toujours plus exemplaires. Son retour est tel qu'il chipe in-extrémis la place de Nani pour la finale de la Ligue des Champions, non-match qui le verra, comme le reste de l'équipe, passer au travers et rompre sur les vagues barcelonaises. Ainsi se termine une saison étrange, marquée par une confirmation de son talent et un 19ème titre pour le club, son premier de champion, mais aussi de longs mois d'attente tel un Diaby, et un dernier match en forme d'humiliation pour tout le peuple rouge.

A la moitié de sa troisième saison sous nos couleurs, il vient de réaliser son mois le plus impressionnant à United. Toujours aussi peu de nouveauté dans son jeu, même s'il a ajouté l'option ''sourire'' à sa palette faciale elle aussi jadis fort limitée, mais toujours une efficacité et une dévotion à l'effort. Il incarne parfaitement l'un des profils type recherché par le club, qui font autant -si ce n'est plus- notre fierté que les superstars pleines de talents. Les joueurs de l'ombre, n'espérez jamais lire un article sur eux, la plèbe du football rampante dans ses posters de Ronald'or et de Messix n'en a cure, et les médias préféreront toujours le passement de jambe d'un Nasri à leurs performances. Mais que Manchester cultive bien ces joueurs besogneux, nés pour la hargne et la victoire, avalant les kilomètres et les gouttes de sueur, ne lâchant rien à l'adversaire. On pensera à Fletcher, Park bien sûr. Et comment aujourd'hui ne pas s'extasier devant les performances de l'équatorien ce mois-ci ?

Imperturbable sur son coté, premier défenseur de l'équipe, et surtout un apport offensif de tout premier plan. Oh nul doute que certains râleront encore longtemps parce qu’il fait toujours le même crochet, que gestuellement il n'est pas aussi beau à voir qu'un Zidane, et qu'il n'a pas de pied gauche. Mais l'immense majorité des fans est conquise par l'indéniable apport de Valencia dans le jeu. Lui, auteur de tant de doutes et de déni à son arrivée, de tant de questions et d'interrogations suite à sa blessure, de tant de mise à l'ombre lors des explosions de Nani, s'installe petit à petit comme l'une de nos armes les plus redoutables, et continue de faire taire un peu plus les sceptiques à chaque nouvelle apparition sur le près, et qu'importe pour ceux qui voulaient de la magie sur l'aile droite, un ailier volant tel Peter Pan, ils se contenteront de ce capitaine crochet, diablement efficace. Point de crocodile à fuir, juste un adversaire à dépasser, encore et toujours.

Une saison pour la révélation, une deuxième pour les complications, il se pourrait fort bien que celle-ci soit celle de l'explosion, tant son nom, jadis raillé, devient sujets d'éloges à travers tout le Royaume, et même au delà. Nul doute que, s'il continue à ce rythme, le plus beau reste à venir pour celui qui a déjà tant traversé d'épreuves comme de kilomètres. Valencia, l'histoire peu banale d'un joueur toujours plus décisif, et qui pourrait se le montrer à nouveau dans la quête d'un 20ème titre. Alors oui, sans doute, personne ne parlera de lui comme on parle d'un Ronaldo, sans doute son crochet ne restera pas légendaire comme les accélérations de Giggs ou les coups-francs de Beckham, et sans doute qu'il ne rayonnera pas aux cotés des stars mancuniennes au moment de conter notre histoire, mais il est bien possible qu'un jour, la planète foot tourne son regard vers Manchester en se demandant ''Mais comment United va se relever du départ du si indispensable Valencia ?''. Te quiero tonio.


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