Interview : Edwin van der Sar

L'arrêt décisif sur la frappe de Nicolas Anelka à Moscou aurait pu être une parfaite fin de carrière pour notre Hollandais Volant. Mais Edwin van der Sar a toujours aussi faim après une saison 2007-2008 inoubliable...


Edwin, commençons par le commencement : aussi étrange que cela puisse paraître, United n'a pris que 2 points sur 9 au début de la saison...

Malgré le fait que nous jouions bien, on n'a pas pu marquer les buts nécessaires pour prendre les points. Puis on a poursuivi avec une série de victoires 1-0 qui ont été importantes pour nous. Et une fois que les buts sont arrivés, on a connu quatre matchs dans lesquels on a marqué quatre buts à chaque fois. Après ça, on a continué à jouer un bon football, et à gagner -- parfois à notre meilleur niveau. Dans ce club, on est toujours déçu quand on ne gagne pas, mais on peut quand même être heureux du football qu'on a joué.

Est-ce que vous avez ressenti plus de pression du fait que vous étiez champions en titre?

Il y a toujours de la pression ici, il faut gagner chaque match, donc il n'y a pas de différence. En tant que joueurs, on est toujours concentrés sur la victoire et l'adversaire donne toujours un peu plus de lui-même parce que c'est Manchester United en face - être champions n'y a rien changé. On est préparés, on sait que les équipes qu'on rencontre donnent tout.

Par rapport à vos performances, quel match avez-vous le plus apprécié?

Je dirais probablement celui à Lisbonne, contre le Sporting. Ce match était presque parfait pour moi. La préparation, le coaching avant la rencontre, les arrêts que j'ai faits, ma manière de jouer avec la défense, tout a parfaitement marché. On était sous pression pendant certains moments de ce match, et j'ai fait des arrêts importants puisqu'on a gagné 1-0. Et ça faisait partie d'une série de victoires importantes pour nous.

Quel équipe adverse vous a mené la vie dure?

On a perdu quelques matchs donc on peut dire que ces matchs-là étaient difficiles, mais le match à Reading était aussi compliqué que n'importe lequel de ceux-là. Ca a été un de nos matchs les plus durs, sans aucun doute. On a beaucoup couru, beaucoup travaillé. On a gagné 2-0 au final, mais le second but est arrivé vraiment très tard. Reading nous a vraiment compliqué la tâche ce jour-là. Le nul 1-1 à Tottenham était compliqué aussi, quand Tevez a marqué ce but dans les arrêts de jeu pour nous sauver. Ces deux rencontres étaient probablement les plus difficiles cette saison.

Est ce qu'un joueur de l'opposition est sorti du lot?

Bien sûr : Messi. Je pense qu'on l'a bien géré, mais on a pu voir dans les matchs contre Barcelone à quel point il est bon. Mais on l'a stoppé dans les deux rencontres et c'était important si on voulait les battre.

L'atmosphère à Old Trafford contre Barcelone devait être incroyable, même pour quelqu'un qui a vu tant de choses?

Les fans étaient vraiment gonflés à bloc, on voulait tellement gagner, et on jouait contre une équipe de Barcelone qui aime jouer un bon football. Le décor était planté pour une grosse occasion, car c'en était une. C'était la meilleure ambiance, sans aucun doute, le bruit et la couleur nous ont aidés, surtout en fin de match quand nous étions sous pression.

Comment c'était de gagner à Old Trafford contre Chelsea, Liverpool et Arsenal?

En tant que joueurs, on pense que chaque match est important, mais on sait à quel point ces rencontres sont importantes pour gagner le titre. Et pour les supporters, ce sont ceux-là qu'ils veulent le plus gagner -- ils vous le disent par le vacarme énorme qu'ils font, par l'ambiance dans le stade. Alors, prendre trois points à chaque fois était bien pour nous et pour les fans. Chacun de ces matchs était intense, mais on a eu le résultat qu'on voulait. Quand vous jouez 38 matchs, c'est difficile d'en retenir 3 comme étant les plus importants, mais ces victoires nous ont donné un coup de boost à chaque fois.

Vous avez prolongé pour une saison supplémentaire. Etes-vous prêt à relever le défi imposé par les deux jeunes et talentueux gardiens qui sont derrière vous?

En tant que gardien, vous êtes toujours un peu séparé du groupe principal par rapport aux joueurs de champ, et il n'y a qu'une place à prendre. Mais il y a un bel esprit entre moi, Tom [Kuszczak] et Ben [Foster]. On fait notre travail et on s'entraide. On essaie d'apprendre les uns des autres. J'ai toujours cette volonté de les aider. Je leur donne des conseils et ils apprennent de moi. Mais j'apprends des choses d'eux moi aussi. Ils ont beau être jeunes, mais il y a toujours plusieurs façons de faire chaque chose. Je les vois faire et je pense "Tiens, c'est intéressant, je pourrais peut-être essayer ça."

Vous resterez plus d'une saison si vous pouvez?

Je prends les choses saison après saison, et la dernière a été bonne pour moi. Je me sens bien. J'ai connu quelques petites blessures, et ça me rappelle que je deviens vieux. Mais ça peut arriver à un jeune aussi. Et puis, gagner des trophées me rajeunit. Ca me donne envie de continuer à jouer.

Qui avez-vous élu Joueur de l'Année de Manchester United?

J'ai voté pour Cristiano [Ronaldo] et il le mérite. Il a fait une si fantastique saison, marqué tant de buts pour un milieu de terrain, des buts si importants... comment je pourrais choisir quelqu'un d'autre? Mais si ça n'avait pas été lui, ça aurait pu être Rio [Ferdinand] ou Vida [Nemanja Vidic]. Ils ont été si bons cette saison, surtout Rio. En défense, on a aussi été bons grâce à la contribution de Wes [Brown] qui a bien remplacé Gary [Neville] toute la saison à droite, et de Patrice [Evra] de l'autre côté. Si j'avais pu voter pour ces cinq joueurs alors je l'aurais fait -- ils ont tous été superbes.

Les 22 buts concédés par United cette saison constituent un record défensif dont vous pouvez être fier...

Les records défensifs ne sont pas quelque chose de majeur, à moins que vous ne gagniez quelque chose à la fin. Pendant les deux années où j'ai joué à la Juventus, on a eu le meilleur bilan défensif de la Serie A, mais on n'a pas gagné le championnat, donc ça ne voulait rien dire. Si on avait perdu le titre le dernier jour, alors notre superbe record n'aurait rien signifié. Je n'aurais pas pu le célébrer. Mais quand ils vous apportent des trophées, c'est spécial. On a beaucoup de qualité dans ce domaine, et pendant les huit premiers mois de la saison, la défense a à peine changé. C'était toujours Wes, Rio, Vida et Patrice. Plus ça joue ensemble, et plus les automatismes se créent.

A quel point le fait que la ligne arrière ait si peu changé, justement, a-t-il été important?

La compréhension entre les joueurs grandit tout le temps. Et même quand on a dû changer ou qu'il y a eu une blessure à ce niveau, les joueurs qui les ont remplacés, comme John O'Shea, Owen [Hargreaves], Gerard [Piqué] et Mikael [Silvestre] ont été très bons. Ce club a une excellente attaque -- c'est ce pour quoi nous sommes célèbres -- mais cette saison on a aussi eu une défense qui nous a aidés à tenir les résultats dont on avait besoin sur certains matchs. On ne peut pas toujours jouer un football exceptionnel parce que parfois c'est ce que l'adversaire veut pour mieux vous prendre. Les matchs contre Barcelone, par exemple. On a joué dans le style qu'il fallait pour faire le résultat qu'on voulait. Et en défense, on a été très bons toute la saison, mais c'est aussi parce que les autres dans l'équipe ont travaillé dur pour nous aider. Inversement, les attaquants marquent parce que leurs défenseurs leur procurent une base solide : c'est un travail d'équipe, et cette équipe est fantastique.

Comme vous dites justement, il y avait une plateforme parfaite pour permettre à United de briller devant...

Notre attaque a marqué un paquet de buts et a causé pas mal de problèmes à l'opposition. Regardez les buts marqués par Wazza [Wayne Rooney] et Carlos [Tevez]. Mais le milieu de terrain a aussi été impressionant. L'entraîneur a eu tant d'options à sa disposition, et a pu changer l'équipe pour s'adapter à l'adversaire. Ils ont tous été excellents. Scholesy a été absents plusieurs semaines, mais des joueurs comme Anderson, Michael Carrick et Owen Hargreaves l'ont bien remplacé. On a tant de bons joueurs. Et dans les rencontres où la défense avait besoin d'un coup de main, ils ont parfaitement rempli ce rôle. On a défendu en tant qu'équipe, attaqué en tant qu'équipe. Toute la saison on s'est battus les uns pour les autres, que ce soit pour marquer ou garder le but inviolé.

United a encore marqué quelques buts très tardifs en 2007-2008. Comment définir United par rapport à ces buts?

A United, on attend de vous des victoires. N'importe quel autre résultat n'est pas bon du tout. Ici, c'est la seule pensée qui occupe les esprits -- gagner. Ce n'est pas juste les joueurs, c'est aussi le staff et les fans, tout le monde participe. Ne jamais abandonner, c'est l'attitude à adopter. Ca nous a permis de sauver tellement de points et de gagner quelques matchs aussi. Quand vous voyez ce succès, vous vous en souvenez et savez toujours que quelque chose est possible.

Ca fait partie de l'esprit d'équipe aussi?

Ca joue un rôle en effet. Tout comme ce club doit toujours essayer de jouer un football agréable, l'attitude est toujours de jouer en équipe et de réussir ensemble. Parfois ça ne marche pas -- le gardien adverse est très bon ou on ne saisit pas nos opportunités. Mais il faut continuer et se battre pour les autres jusqu'au coup de sifflet final.

Beaucoup de joueurs ont déclaré que l'esprit d'équipe à Old Trafford est le meilleur qu'ils aient connu...

C'est magnifique, depuis les joueurs expérimentés à ceux dans les 26 ou 27 ans... Et quand il y a des jeunes gars qui viennent de l'étranger, comme Anderson et Nani... tout le monde veut le meilleur pour le club. En dehors du terrain aussi, on veut s'entraider. Si quelqu'un veut connaître un tuyau sur un bon resto, on lui dit où aller, pareil pour les magasins... Tout ce pour quoi on peut aider, on le fait. Et lors des matchs, c'est pareil. On travaille les uns pour les autres, et c'est la clé du succès selon moi.

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