Quarante longues années après un certain George Best qui a été notre dernier Ballon d'Or, le meilleur joueur de la planète football est de nouveau un Red Devil. Retour sur le parcours en rouge d'un joueur dont le talent semble ne pas connaître de limites.


Parfois, un changement de parcours ne tient pas à grand chose. Lors de l'été 2003, quand Manchester United est allé affronter le Sporting pour un match amical, nul n'aurait imaginé que Fergie en profiterait pour ramener dans ses valises la clé de nos futurs succès. Sans cela, le Portugais ne serait probablement pas resté à Lisbonne très longtemps, mais Arsenal, Milan, le Real, allez savoir pour quel club prestigieux il enchaînerait les performances aujourd'hui.

Forte impression

Non, à l'époque, alors que Becks venait de se faire la malle au Real, la cible s'appelait Ronaldinho. Mais l'ex-Parisien préféra le soleil barcelonais à la pluie mancunienne, et c'est probablement la tête pleine de réflexions que Fergie se déplaça pour disputer ce qui allait être un match amical comme tant d'autres...

Ce jour-là donc, le Sporting s'était imposé 3-1. Les Silvestre, Djemba, O'Shea, Scholes en ont vu de toutes les couleurs, le numéro 28 lisboète était trop rapide, trop technique, trop inarrêtable, même pour une équipe qui venait de terminer championne d'Angleterre. La petite histoire veut que dans le vol retour qui ramenait les joueurs en Angleterre, ce soient eux qui aient fait le forcing pour que Ronaldo devienne un Mancunien. Chose qui s'est faite sans trop de difficultés. Ronnie se vit attribuer le numéro 7, porté par Best, Robbo, Canto, Becks... et surtout, signe de grandes responsabilités.

La première saison fut plus ou moins un succès, selon les points de vue. Fergie fit confiance d'emblée à sa nouvelle perle, qui fit vibrer Old Trafford pour la première fois dès la première journée de Premier League, contre Bolton. United s'imposa 4-0, Ronaldo entra en seconde période et fit tourner en bourrique la moitié de l'équipe adverse en faisant montre d'une technique hors du commun. Ronaldo était un technicien pur, comme on n'en voit pas souvent en Angleterre... Pour sa première année chez les Britons, il remporta le Matt Busby Player of the Year Award, qui récompense le meilleur joueur mancunien de la saison écoulée. Avec en prime un match tout bonnement hallucinant lors de la finale de la Cup remportée face à Millwall (3-0) au terme duquel il fut élu Homme du Match.

Le talent est là, mais...

Malgré cela, les supporters ne furent pas tous satisfaits du rendement de leur nouveau joueur. 40 apparitions, dont 24 en tant que titulaire, n'apportèrent au total que 6 buts. Bon à la limite, venant d'un ailier, cela pouvait se comprendre. Mais deux choses dérangeaient encore plus. La première, est que Ronaldo avait trop tendance à faire joujou avec le ballon et à oublier ses coéquipiers plus que de raison. C'était déjà énervant pour les spectateurs, alors imaginez pour les joueurs... Et la seconde, une fâcheuse tendance à tomber au moindre souffle d'air frais. Là, c'est plutôt les adversaires qui trinquent.

A l'Euro qui suivit, Cristiano Ronaldo se révéla réellement sur le plan international. La sélection portugaise atteignit la finale de "son" Euro, mais dût s'incliner en finale face à une surprenante Grèce (0-1). Ceux qui ne connaissaient pas le joueur découvrirent une véritable pépite d'or. Restait seulement à confirmer au retour en Angleterre.

Pourtant, saison suivante, pas d'amélioration en vue. La technique était toujours là, mais le rendement toujours insuffisant, que ce soit au point de vue des buts marqués ou de la participation au jeu. L'individualisme forcené de Ronnie gâchait les plus belles occasions de but des Red Devils, et on pouvait alors se demander si la belle histoire de la saison dernière n'était pas en train de tourner au flop, alors que dans le même temps Arjen Robben enchaînait les prestations de haut niveau à Chelsea...

La fin de saison fut encore plus tragique que la précédente. Aucun titre à présenter dans la salle des trophées : si c'est quelque chose qui pouvait être accepté ailleurs, Sir Alex ne pouvait le tolérer dans son club. Chelsea termina largement devant en championnat, Arsenal nous vola la Cup aux tirs au but après qu'on ait dominé la rencontre dans tous les sens, et Milan fit parler la poudre en huitièmes de finale de la Coupe d'Europe. Une saison à oublier pour nous, comme pour le Portugais.

Beaucoup de bruit pour rien?

La question qui se posa fut alors : pourquoi Fergie s'entêtait-il à faire jouer un jeune qui disposait de tout le talent du monde mais n'était pas foutu de faire une passe à un joueur seul devant le but, préférant la frappe dans un angle impossible? Pourquoi continuer à accorder sa confiance à un gars qui ne faisait rien pour l'équipe et semblait déployer un melon de plus en plus gros au fil des semaines, se voyant déjà comme une superstar avant d'avoir prouvé quoi que ce soit?

Cette question revint, plus forte que jamais, au terme d'une saison 2005-2006 au moins aussi terne que les deux précédentes. D'abord, Roy Keane quitta le club, déclarant en avoir marre de certains joueurs qu'il qualifia de branleurs de première (pour faire vite), entre autres motifs. Ensuite, United fut piteusement éliminé au terme de la phase de poules de la C1, terminant dernier de son groupe... Pour ne rien arranger, une altercation éclata à l'entraînement entre Ruud et Ron, altercation qui eut peut-être un effet (minime, mais un effet quand même) sur le départ de RVN au Real...

Beaucoup de gens (vous vous reconnaîtrez peut-être, qui sait!) mirent alors en doute les capacités de Sir Alex à continuer à entraîner Manchester United, comme ça lui arrive souvent, soit dit en passant... Le vieux bougre avait renvoyé le meilleur attaquant qu'il ait eu depuis Canto pour garder un jeune dont on espérait depuis trois saisons qu'un jour il serait assez bon pour nous faire gagner autre chose qu'une FA Cup face à un club de D2... United était fini, c'était clair. L'argent de Chelsea éclaboussait ses adversaires et une ère de domination bleue commençait.

Sans oublier que quelques semaines plus tôt, un incident pas commun avait eu lieu en Allemagne, où se déroulait la Coupe du Monde 2006. Alors que Rooney venait d'écraser (volontairement ou pas? Nul ne saura jamais...) les parties intimes de Ricardo Carvalho, Cristiano Ronaldo, qui aimait à se décrire comme le meilleur pote du jeune Anglais, sembla inciter l'arbitre à expulser ce dernier. Chose que celui-ci fit, mettant Roo dans une colère sans nom. Bien entendu, les tabloïds ne purent rater un tel sujet et firent des montagnes avec des taupinières. Les deux joueurs s'étaient en réalité réconciliés longtemps avant que ne paraissent les derniers articles titrant "Rooney va couper Ronaldo en quatre et le plonger dans un bain d'acide" ou "Ronaldo vient d'être retrouvé à son domicile, la tête à la place du nombril". Le seul vrai mérite de cette affaire pour nous est la publication d'un excellent jeu flash (tapez "Rooney Rampage" sur Google)...

Un départ du Portugais avait été évoqué, le Real étant en première ligne pour accueillir les bras ouverts notre numéro 7. Mais cela ne se fit donc pas. Les stades anglais étaient prêts à réserver la plus bouillante des réceptions au nouvel ennemi public numéro 1. Les insultes volaient, renforcées par le comportement de ce garçon tantôt provocateur (comme il l'a montré contre l'Angleterre au Mondial par exemple), tantôt manipulateur (toujours aussi enclin à confondre gazon et piscine olympique). Les Anglais étaient prêts à bouffer du Ronaldo. Et au final, c'est le Ronaldo qui bouffa les Anglais.

L'explosion

Certes, il fut sifflé. Certes, il fut critiqué, insulté. Certes, il fut agressé, comme par exemple à Manchester City où Michael Ball lui écrasa délibérément la poitriné, ou à Middlesbrough en Cup quand James Morrison tenta de lui casser la jambe d'un tacle au niveau du genou... Mais il ne baissa jamais la tête, et cette saison-là, on assista à l'explosion d'un joueur dont on avait fini par ne plus attendre tant. Mais pas une explosion du style grenade, plutôt un truc qui ressemble au Big Bang. Le Ronaldo semblait transformé, beaucoup plus altruiste, beaucoup plus efficace aussi. Bref, beaucoup plus fort.

Dans une période de fin d'année traditionnellement chargée en Angleterre, il se permit notamment le luxe d'inscrire trois doublés lors de trois matchs consécutifs, à Aston Villa, contre Wigan et Reading. Il termina la saison avec 23 buts au compteur, un score de très haute volée pour un milieu de terrain. Les fans chantaient ses louanges, ses adversaires sur le terrain ne pouvaient que s'incliner devant son talent, et pour la première fois depuis 2003, le titre de champion revint à Old Trafford. Ronaldo, loin d'être étranger à ce succès, fut élu meilleur joueur de la saison par les joueurs pro en Angleterre, par les journalistes, et par les fans. La totale.

Mais évidemment, il fallait toujours trouver quelque chose à redire. Qui n'avait pas encore remarqué que si Ronaldo se plaisait à planter des pions contre les Reading, West Ham ou Villa, il était souvent invisible dans les gros matchs? Comment celui que l'on proclamait meilleur joueur d'Europe pouvait-il se faire bouffer ainsi contre Liverpool, Chelsea ou Milan? Le seul bon match qu'il ait fait contre une équipe de haut niveau cette saison, c'était contre la Roma, et même s'il avait carrément crevé l'écran, ce match à lui seul ne suffisait pas. Ronnie devait prouver qu'il pouvait faire mieux contre des gros. Ca allait être son prochain challenge.

La confirmation

On pensait avoir tout vu en 2006-2007, il n'en était rien. Les souvenirs sont certainement frais dans vos mémoires, on va faire court. Ronaldo n'a planté son premier but qu'un mois après le début de la saison, ce qui ne l'a pas empêché de finir avec 42 buts au compteur. 42, bordel! Quand Ruud en avait planté 44 en 2002-2003, on avait qualifié sa saison d'exceptionnelle, que dire quand il s'agit d'un milieu de terrain?! En 2007-2008, il a également mis son premier hat-trick, terminé meilleur buteur et meilleur joueur du championnat, meilleur buteur et meilleur joueur de la Champions League, United a remporté le championnat et la Coupe d'Europe - assez, n'en jetez plus! Le seul dommage avec tout ça, c'est que maintenant on peut être quasiment sûrs qu'il ne fera pas mieux cette année...

L'été 2008 fut moins paisible : le Portugal se fit jeter hors de l'Euro avant même le début des choses sérieuses, Ronaldo dut se faire opérer à une cheville, et les spéculations quant à un départ au Real énervèrent pas mal de monde. Ferguson réussit néanmoins à retenir son meilleur joueur pour au moins une saison de plus. Les supporters virent cela d'un bon oeil en général, malgré le fait que la fidélité montrée par le joueur a été assez proche de celle d'un taulard auquel on promettrait la liberté s'il balançait son complice.

Pour le moment, les performances du Portugais sont assez moyennes, même s'il a eu un sursaut de qualité début octobre... Invisible lors des derniers matchs, sévèrement exclu contre City, le chemin sera encore long pour revenir à son niveau de la saison écoulée. Mais rappelons-nous qu'on parle d'un niveau tellement énorme, que quelque soient ses concurrents, on voit mal comment ce Ballon d'Or aurait pu ne pas lui revenir. Exit les Messi, les Torres, les Casillas : Ronaldo a beau énerver de par son comportement parfois limite, nier qu'il a été le meilleur joueur - et de loin - de la saison passée serait une sorte de mythomanie...

Idées reçues

"Cristiano Ronaldo joue comme une brêle dans les grands matchs." Il a quand même marqué la saison dernière contre Arsenal, Liverpool, Chelsea, Rome, Lyon...

"Cristiano Ronaldo est un fervent adepte des concours de plongeons." C'est une pratique qu'il a quasiment éradiquée de son jeu aujourd'hui. Mais forcément, c'est facile de parler sans voir les matchs et de sucer ensuite un Gerrard qui aime bien l'odeur fraîche du gazon anglais.

"Cristiano Ronaldo se la pète." L'important, c'est qu'il joue bien. Le reste, comme de savoir combien de top models il se tape par jour, on s'en fout.

"Cristiano Ronaldo met trop de gel." Ca fait tourner le commerce, en pleine crise économique...

"Cristiano Ronaldo est gay." Vous avez quelque chose contre les gays?

Le mot de la fin

Ballon d'Or ou pas, de toute façon, cela n'a pas tellement d'importance. Le trophée que l'on raillait avec tant de plaisir l'an dernier quand Kakà l'empochait n'a pas soudainement plus de signification parce que c'est un de nos joueurs qui triomphe. Tout ce qu'on a à retenir, ce sont les victoires en championnat et en Ligue des Champions, les moments de joie, les 42 buts marquées et les nombreuses passes décisives... Ce n'est pas un bout de métal, même si j'aimerais bien l'avoir sur mon meuble TV, qui fait de lui le meilleur joueur du monde. Il l'était déjà bien avant. Félicitations au joueur, et bon courage pour la suite.

Voyez aussi la news précédente qui retranscrit l'article de France Football.

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