Interview : Nani (1)

Ce ne fut pas à l’heure exacte mais presque. Nani est arrivé à la station de Wilmslow, accompagné, dans une Audi Q7. Il a gravit rapidement les échelons. Il y a cinq ans, c’était un jeune garçon, petit et maigre, qui fuyait les contrôleurs ferroviaires pour se rendre aux entrainements du Real Massamà. Il n’avait pas d’argent mais aujourd’hui, il en a suffisamment pour avoir ce dont avant, il ne pouvait que rêver. Mais il souhaite plus : être titulaire à Manchester United et en sélection. Au centre du salon de sa maison de la banlieue de Manchester, Nani parle un peu de tout, dans un langage d’enfant des rues où il fut entouré de bons et de mauvais exemples.

I. SON ENFANCE

Des rues d’Amadora jusqu’à Old Trafford et la sélection. Est-ce que vous rêviez d’arriver jusque là ?

Bien sûr que non. Quand nous jouions dans la rue, nous pensions qu’un jour, nous pourrions devenir des stars. Mais nous n’avions aucune notion de ce qu’était qu’être un joueur professionnel, arriver à Manchester United ou en sélection. Mais les opportunités ont surgi et c’est devenu réalité. Maintenant, je vis ce rêve. Mais quand je regarde en arrière, je vois que les choses se sont passées rapidement, à une grande vitesse.

Après une enfance compliquée, vous avez gravi rapidement les étapes, dans le football comme dans la vie.

Exact. Ce fut une enfance difficile et c’est pour ça que je regarde en arrière et que je donne la valeur de ce que j’ai, en raison de par quoi je suis passé. Tout était si difficile, alors qu’aujourd’hui, tout est si facile.

Trop facile ? Est-ce que vous pensez qu’un jour, vous pourriez perdre tout ce que vous avez conquit ?

Je pense beaucoup à ça, à toutes les privations et les sacrifices que j’ai faits pour en arriver là. Me rendre à pied aux entrainements (d’Amadora à Massamà), voyager en train sans billet parce que je n’avais pas d’argent pour en acheter… je devais m’enfuir ou tenter de rouler les contrôleurs.

Vous avez déjà été attrapé ?

Oh (dit-il en riant)… de nombreuses fois. Mais j’avais de la facilité pour parler et j’étais sincère. Je disais la vérité "je n’ai pas d’argent, ma mère n’a pas d’argent et je dois aller m’entrainer, c’est mon seul moyen pour y aller." Certains comprenaient et me laissaient passer. D’autres non.

C’est votre tante qui vous a élevé ?

Non, j’ai été élevé par ma mère, avec beaucoup de difficultés. Nous changions souvent de maison jusqu’à mes 13-14 ans. A partir de là, j’ai passé la plupart du temps chez ma tante parce qu’elle habitait près de chez moi. Jusqu’à ce qu’un jour, ma mère a dû aller vivre assez loin et j’ai décidé de rester chez ma tante. C’est à partir de ce moment là que j’ai été élevé par elle.

Et votre père ?

Il est au Cap vert. J’étais avec lui pendant les vacances. Il est allé au Cap vert lorsque j’étais enfant mais sans l’intention d’y rester. Mais il y a eu des problèmes avec ses papiers et donc, il a fini par y rester. Heureusement maintenant, il a pu revenir au Portugal. Le mieux, c’est que c’est moi qui lui ai donné la possibilité de pouvoir voyager.

Comment étaient les entrainements au Real Massama ? Tout le monde dit que vous étiez un garçon petit.

…et maigre ! Personne n’aurait parié sur moi. Mais après, quand ils me voyaient jouer, ils disaient "ah…. Tu as beaucoup de talent. Mais tu es maigre mon pauvre." Plusieurs fois, j’allais chez des collègues et je restais dans leur famille pendant toute une semaine.

Pour être nourri ?

Oui, ils voulaient que je m’alimente correctement, on m’offrait des choses et on m’appréciait beaucoup. Pourquoi ? Parce que j’étais un enfant que tout le monde appréciait. J’étais amusant et je m’entendais avec tout le monde.

Et vous avez commencé à prendre du volume avec les séances en salle de gym ? On raconte que vous aimiez faire des poses dans les vestiaires.

(Il s’éclate de rire). C’est vrai, c’est vrai. Lorsque le Real Massamà a intégré un gymnase, nous commencions à nous y entrainer et quand nous terminions, nous descendions les escaliers et nous allions nous poster face à un miroir pour voir si nous étions plus musclés. Tout en faisant des poses !

Mais celui qui vous a donné les premières bases de football, ce fut votre frère.

En effet. Il est 5 ans plus âgé que moi et je trainais toujours avec lui. Il me donnait des coups et n’admettait pas que je le dribble quand je jouais avec lui. Mon frère était un excellent joueur et il aurait pu devenir un grand.

Que lui est-il arrivé ?

Il a pris d’autres chemins.

Quels chemins ?

De mauvaises compagnies et il n’a pas profité des opportunités au bon moment. Mon frère a même eu l’opportunité de s’entraîner avec le Sporting et l’Ajax. Mais il était très jeune et à 18 ans, il n’a pas eu la maturité pour aller de l’avant.

Avez-vous vu en votre frère un exemple à ne pas suivre ?

Évidemment.

Comment vous êtes-vous tenu à l’écart de ces chemins ?

J'ai réussi à me tenir éloigné grâce au football. J'adorais le football. Où que se trouvaient mes amis, je voulais jouer au ballon. Je passais tout mon temps sur le terrain. Ma maison, c’était le terrain de football. Je pouvais passer une journée entière sans manger juste à cause de cela.