Interviewé par l'Equipe, Patrice Evra revient sur cette superbe saison qui l'a promu au rang de meilleur latéral gauche de la Premier League, évoque la FA Cup et l'Equipe de France.


Vous allez disputer votre première finale de Cup. Dans quel état d'esprit?

Après la demi-finale, le coach m'a prévenu: «Tu ne vivras jamais une émotion comme celle qui t'attend à Wembley. C'est magnifique.» C'est une finale de rêve dans le nouvau Wembley, face à Chelsea. Moi, j'avais toujours rêvé de gagner la Coupe de France. Alors la Cup...

Que vous inspire Chelsea?

C'est une équipe très compacte, très solide avec Drogba devant qu'il faudra bien neutraliser. La pression sera plus de leur coté. Mais ce n'est pas parce que Chelsea n'a pas atteint ses objectifs que sa saison est ratée. On a été une surprise pour tout le monde. Chelsea termine deuxième avec 81 points. Je ne connais pas beaucoup d'équipes qui ont dépassé les 80 points dans leur Championnat.

Comment avez-vous vécu votre premier titre de champion d'Angleterre?

En plusieurs fois. D'abord en gagnant à Manchester City (1-0) puis le lendemain, lorsque Chelsea a fait match nul contre Arsenal (1-1). Avec Ousmane (Dabo) nous étions chez Mika (Silvestre), devant la télévision. C'etait totalement irréaliste de se savoir champions assis dans le canapé. Ensuite, il y a eu la fête avec nos supporters et le tour d'honneur à Old Trafford. C'etait magique. J'avais mon fils sur les épaules, il ne savait pas ce qui lui arrivait.

Manchester United semble moins s'appuyer sur des individualités que par le passé...

Lorsque des gars comme Giggs ou Solskjaer te disent qu'on a une meilleure équipe qu'en 1999 (quand Manchester United avait réalisé le triplé Championnat, Cup et Ligue des Champions), cela te met forcément en confiance. Peut-être que l'on a plus de tauliers, mais on a de la jeunesse, de la vitesse, de la technique, de la solidité défensive, de l'expétience avec Giggs ou Scholes. Après, certains sont arrivés à maturité comme Cristiano Ronaldo ou Rooney, d'autres ont fini leur adaptation comme Vidic ou moi. Tout cet ensemble forme un équilibre solide qui nous a permis de remporter le titre et, honnêtement, de fournir le plus beau jeu de la Premier League. Parfois, cela allait tellement vite que je me disais: Pat, t'es vraiment un privilégié. Tu fais un appel, le ballon est déjà là. Droite, gauche, ça part de tous les cotés. C'est ça Manchester.

Et la marque de Ferguson...

Le coach conclut tous ses discours par: «Enjoy your game» (amusez-vous). Cette année, c'est ce qu'on a reproduit sur chaque match. Et pas question de se gérer. Si, à 3-0, tu t'amuses à faire une passe en retrait, il te recadre à la mi-temps. Malgré des premiers temps difficiles, j'ai senti que cette philosophie me convenait parfaitement.

Votre jeu est aussi adapté à cette philosophie.

C'est vrai. Mais je ne finis pas meilleur latéral gauche d'Angleterre sans avoir progressé dans les autres domaines. J'ai passé énormément d'heures dans la salle de musculation. J'ai travaillé ma solidité dans la récupération. Maintenant, j'ai de l'explosivité dans mon jeu offensif comme défensif.

C'est ce qui vous différencie de Silvestre et Heinze?

Déjà, je ne connais pas un autre club en Europe qui possède trois latéraux de même niveau. Par rapport à eux, je me savais naturellement plus offensif. J'etais attaquant au début de ma carrière. Je me suis donc focalisé sur mon jeu défensif. Maintenant, avec de tels concurrents, tu ne peux pas te permettre la moindre erreur; si tu te contentes de faire un bon match, tu perds ta place. C'est aussi simple que cela. Rien ne sert de râler. C'est comme ça. Il faut constamment être au top. Lorsque je suis arrivé ici, que j'ai vu la concurrence à l'entrainement, j'ai vraiment pris une gifle. Après mes six mois difficiles, je me suis dit: Pat, soit tu te dis que le challenge est trop relevé pour toi et tu pars dans un autre club, soit tu ne t'es pas trompé mais tu dois te montrer solide mentalement. Avec le recul, je pense que je n'aurais pas eu une saison comme celle-ci sans ces débuts difficiles. Je suis encore plus exigeant avec moi-même.

Rater la Coupe du Monde a dû renforcer cette exigence...

J'avais la haine contre moi-même de ne pas y être. C'est pour cela que je me suis défoulé dans une salle de muscu. Car je pensais déjà à l'avenir. Après deux ans, je suis enfin sorti de ma grotte. C'était comme une première sélection.

Expliquez-vous...

Je considère que mes cinq premières sélections étaient trop faciles. Je sortais de la Ligue des Champions, j'étais titulaire à Monaco...Je n'oublierais jamais ma première sélection (France-Bosnie, 1-1, le 10 août 2004). Mais, avec plus de maturité, je sais qu'à cette époque je pensais peut-être qu'il suffisait d'avoir des qualités. Aujourd'hui, je ne me considère pas comme un international. Je dois prouver ma valeur en club avant de penser aux Bleus. En venant à Manchester, j'ai eu l'impression de redécouvrir mon métier. Sans renier tout ce que j'ai vécu à Monaco, je sais désormais ce que footballeur de haut niveau veut dire et le travail que cela implique.

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