La course au titre (1) : Les Outsiders

La saison de Premier League vient à peine de reprendre que, déjà, les spéculations vont bon train concernant le nom du champion de mai prochain. Analysons en détails les tenants et les aboutissants de cette course au titre, qui s'annonce d'ores et déjà palpitante et plus ouverte que ces dernières saisons.


Les Outsiders :

Liverpool :

Septièmes l'an dernier, les Reds de Liverpool sont, comme chaque mois d'août, l'un des principaux points d'interrogations en Angleterre. Les supporters de la Mersey y croient toujours, et à chaque fois la désillusion vient poindre au bout de quelques mois de compétition. Pire, en 2012/2013 ce fut l'humiliation suprême pour les Scousers, jusqu'alors maîtres de la ville de Liverpool, et pourtant contraints de céder leur fauteuil aux Toffees d'un certain David Moyes.

Cependant nombreux sont ceux qui croient encore en Brendan Rogers (plus qu'en Roy Hodgson ou en Kenny Dalglish, successeurs malheureux de Rafael Benitez). Pour sa deuxième saison à la tête du club, il semble vouloir tourner le dos à une philosophie infructueuse, qui était celle d'acheter des joueurs anglais, jeunes et (trop) chers. On se souvient, par exemple, du transfert controversé d'Andy Carroll, extrêmement coûteux (plus de 40 millions d'euros). Ce dernier étant devenu un énorme flop (plus encore que celui de Fernando Torres à Chelsea). 11 buts en 58 matchs, voici les stats peu reluisantes de l'attaquant anglais, qui quitta le club sans que personne n'ose le regretter.

En recrutant Daniel Sturridge en janvier dernier, pour un tarif déjà bien plus raisonnable (15 millions d'euros), nous aurions pu penser que Brendan Rogers souhaitait continuer dans cette voie-là, essayant de faire de Liverpool un club qui se redresse grâce aux talents locaux. Pourtant, si Sturridge est effectivement anglais, il s'agit d'un joueur au profil totalement différent, un rare dynamiteur de jeu qui sait, en plus de ça, marquer. Coup de maître pour le coach nord-irlandais, puisque Sturridge a déjà inscrit plus de buts en une moitié de saison qu'Andy Carroll en deux ans.

Rogers a vraisemblablement, avec ce transfert, cherché à enlever cette étiquette qui collait à la peau du club : celle d'une équipe incapable de faire la différence, sans magie dans ses rangs. Il y avait Suarez, certes, mais ça ne suffisait pas. Désormais il y a Sturridge, et nous pouvons même ajouter à cette liste le très prometteur Raheem Sterling. L'ancien coach de Swansea (une référence ces dernières saisons en Premier League) a donc cherché à renforcer son armada offensive, en essayant de recruter de manière plus intelligente que par le passé. C'est ainsi en Espagne (on sait bien que Liverpool entretient un lien très étroit avec ce pays) qu'il est allé chercher deux de ses nouvelles armes offensives : Iago Aspas (du Celta Vigo) et Luis Alberto (de Séville).

Dans le souci d'améliorer son groupe, y compris défensivement, il a aussi fait venir Kolo Touré de Manchester City, gratuitement (un bon coup), et s'est fait prêter Aly Cissokho (un moins bon coup) par Valence. Même dans les cages un changement a été opéré puisque Pepe Reina, l'un des cadres du vestiaire, est parti rejoindre son ancien mentor Rafa Benitez à Naples. Simon Mignolet ayant été acheté pour le remplacer. L'ex-portier de Sunderland s'étant mis en valeur dès la première journée, contre Stoke City, en sauvant un penalty dans les dernières minutes.

Il ne s'agit cependant pas d'un Liverpool totalement new look, et l'équipe, bien que supposée sur la bonne voie, semble encore loin de pouvoir rivaliser avec les cadors du championnat. En revanche, pour une place en Ligue des Champions, au vu du mercato désastreux d'Arsenal, une quatrième place peut être envisageable. Brendan Rogers semble être, en tout cas, déterminé à ce qu'il en soit ainsi. Et puis Jamie Carragher - l'homme aux buts contre son camp - ayant pris sa retraite, peut-être que l'époque de la lose s'en est allée avec lui. Mais rien n'est moins sûr.

Il y a surtout, comme véritable incertitude, le point d'interrogation à l'intérieur du point d'interrogation : Luis Suarez. À l'instar de Wayne Rooney, il est au coeur de l'un des feuilletons de l'été. Partira, partira pas, tel est le refrain qui étouffe la Mersey depuis deux mois. De toute façon suspendu jusqu'en octobre prochain, l'avenir de Liverpool dépend beaucoup de celui de sa vedette uruguayenne. Si Rogers gagne son bras de fer et parvient à conserver dans ses rangs le très courtisé Suarez, l'espoir pourrait être de mise. Néanmoins, si cela n'est pas le cas, l'enchaînement des matchs et l'affaiblissement à la fois qualitatif et quantitatif que son départ provoquerait, aurait sans doute raison de la saison des Reds. Et peut-être, par extension, du maintien de Brendan Rogers à leur tête.

Double-enjeu donc que cette saga estivale, qui semble s'être quelque peu calmée ces derniers jours. La possibilité d'un départ du numéro 7 planera quoi qu'il en soit sur Anfield jusqu'au 2 septembre, comme un nuage qui pourrait annoncer l'orage ou, au contraire, le retour des éclaircies. Plus de doutes que de certitudes, donc, mais l'espoir malgré tout, d'un peuple rouge qui, vingt-trois ans après son dernier titre, n'arrête pas pour autant de rêver au retour de la gloire. Les réponses, très vite. La première, le 2 septembre.

Tottenham :

Le voilà, le véritable underdog de la Premier League. L'"autre club de Londres", qui n'a ni le standing d'Arsenal, ni l'argent de Chelsea. Tottenham c'est sûrement, d'un point de vue extérieur, l'outsider le plus sympathique. Puisqu'il ne fait ni partie des équipes traditionnelles (Manchester United, Liverpool, Arsenal), ni des nouveaux riches (Chelsea, Manchester City). C'est une équipe qui, un peu au même titre que le FC Porto, parvient à tirer son épingle du jeu grâce à son incroyable gestion. Celle de Daniel Levy, l'homme qui a les dents plus longues que le bras. Et qui pourrait, potentiellement, vendre sa pépite galloise, qu'on ne présente plus, pour un montant de près de 100 millions d'euros au Real Madrid. Soit le même montant que le transfert de Cristiano Ronaldo dans ce même club, soulier d'or et ballon d'or européen. Bien loin donc du passif de Gareth Bale, dont le seul exploit en Europe semble avoir été de faire un grand pont à Maicon.

La gestion du cas Gareth Bale nous prouve une chose, que Tottenham semble mieux gérer son vestiaire, ses transactions, que Liverpool, paraissant plus armé et plus apte à réagir aux velléités de départ d'un de leurs cadres, sans que cela ne soit trop préjudiciable. Par exemple, qui pleure Modric du côté de Londres ? Personne. Parce que Dembelé. Parce que Sigurdsson. Parce que Parker. Cette capacité de réaction de la part des Spurs s'illustre avec ces coups qu'ils arrivent à faire, régulièrement, sur le marché des transferts. Qui leur permettent de stabiliser la qualité de leur effectif et de même, petit à petit, l'améliorer. Comme ça semble être le cas cette année avec les venues de Paulinho, Capoue, Chadli et Soldado, ce buteur qu'il manquait peut-être au club. Avec la venue, aussi, de Willian, le brésilien de l'Anzhi Makhachkala, qui semble pratiquement actée.

Ce qui fait défaut à Tottenham, jusqu'à présent, c'est cette espèce de complexe d'infériorité qu'ils peuvent avoir face aux gros. Ce qui leur a coûté, l'an dernier, de finir aux portes des places qualificatives pour la Ligue des Champions. Malgré, on s'en rappelle, une victoire à Old Trafford 3 buts à 2. André Villas-Boas incarne un peu à lui tout seul ce sentiment. Promis à un grand avenir sur le banc de Chelsea, payé une fortune par l'extravagant président russe, il a été très vite remercié. Le "special two" devenant, dans les yeux des amateurs de foot, le "special noob". Mais n'est-ce pas justement pour cela que le défi est alléchant ? Pour prouver que Tottenham, dans le big four, c'est possible. Pour prouver que Villas-Boas, à la tête d'une grande équipe, c'est possible. Le dynamisme du club semble en tout cas être empli d'allant, de motivation et de conviction. Si cette année était enfin la bonne ? C'est envisageable, puisque cette fameuse quatrième place, comme la première, semble faire les yeux doux à de nombreuses équipes.

Arsenal :

Là voilà, la véritable joke de la Premier League. Celle qui, chaque année, ne manque pas de faire sourire les supporters Mancuniens. Parce que Arsène Wenger. Parce que Laurent Koscielny. Parce que Yoyo Sonaga. Encore une fois le mercato estival s'est avéré être une énorme déception pour les supporters des Gunners. Une seule recrue (le type cité plus haut, là) et puis c'est tout. Chose qui ne manque pas de faire jaser du côté de Londres, tandis que Arsène Wenger, plus mesuré, essaie d'apporter sa vision des choses avec un calme étonnant et une sérénité injustifiée, qui entraînent un scepticisme collectif. Peut-être que Arsenal attend les tous derniers jours du mercato. Peut-être. Après tout, la même situation avait déjà fait couler beaucoup d'encre en août 2011. Après une humiliation à Old Trafford l'entraîneur alsacien s'était décidé à sortir le chéquier, celui qu'il cache dans le tiroir le plus cadenassé de sa chambre la plus verrouillée. Mikel Arteta était une de ses recrues-là. On ne peut pas dire que ça avait été une erreur.

Néanmoins, ce bis rzpetita inquiète. La situation semble encore plus grave à l'heure actuelle. Et si les Gunners se sont délestés d'un poids en assurant leur qualification pour la Ligue des Champions (victoire 3-0 lors du match aller), plus que jamais la capacité d'Arsenal à finir dans le top 4 est remise en question. Le titre, n'en parlons pas (et c'est pourtant la seule chose qui intéresse les supporters londoniens). En étant moins happé par cette "crise" momentanée, nous pouvons envisager de faire confiance en Arsène, qui est, après tout, l'un des coachs les plus expérimentés de Premier League. Les joueurs d'Arsenal ne semblent cependant pas vraiment sur la voie de pouvoir mettre fin à ces années de disette, qui rongent le club depuis la fin de l'ère Thierry Henry.

Arsène Wenger étant réputé pour donner sa chance aux jeunes, peut-être est-il temps que cela porte ses fruits. Peut-être est-il temps que les Theo Walcott, Aaron Ramsey et autres Jack Wilshere permettent au club de passer d'équipe mignonne et inoffensive, à équipe détestable et dangereuse. Car, à l'heure actuelle, comment pouvoir détester cette équipe ? Comment pouvoir détester un groupe qui enchaîne désillusion sur désillusion ? Comment pouvoir détester quelque chose qui nous fait rire ? La question se pose, et Arsenal en deviendrait presque aussi sympathique que Tottenham. Presque.

Finalement rien ne semble vraiment changer du côté des Gunners. À l'heure où la Premier League est dans une voie de renouveau, de transition, il est peut-être inquiétant de voir que Wenger n'arrive pas à s'accrocher au bon wagon. Ça pourrait coûter cher à Arsenal. Ce sont ce genre de situations qui contribuent à faire baisser le standing d'un club, qui pourrait enliser les londoniens dans un cercle vicieux, fatal sur la durée. Nous ne sommes évidemment que dans la spéculation, et Arsenal pourrait aussi bien puiser dans des ressources insoupçonnées pour finir, comme souvent, dans le trio de tête. Plus que jamais cela semble incertain. La seule vérité, jusqu'à présent, c'est qu'il y a déjà une défaite à domicile au compteur. En une journée.

Le bilan :

Ce tour de chauffe, centré sur les outsiders de cette course au titre (ou à la Ligue des Champions), nous permet de constater toutes les interrogations qui entourent ce début de saison, plus nombreuses encore qu'à l'accoutumée. Des interrogations dont les réponses dépendront beaucoup des deux dernières semaines du mercato. Quant à nous, on se retrouve demain, pour l'analyse de ce qui devrait être le trio qui bataillera jusqu'à la dernière journée pour le titre. Celui qui sourit à Manchester, la ville, depuis trois saisons.

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