Les joueurs pro anglais devraient limiter leur travail du jeu de tête

Il leur est préconisé dix têtes "de plus forte intensité" par semaine à l'entraînement, selon les nouvelles directives pour la saison à venir.

Cela concerne tous les joueurs professionnels anglais, donc forcément aussi ceux de Manchester United.

Ces orientations interviennent après que "plusieurs études" aient conduit à s'inquiéter sur les impacts à long terme du jeu de tête sur la santé des joueurs. Concernant United, nous expliquions il y a quelques mois que la santé mentale de certains de nos anciens joueurs les plus âgés.

Nobby Stiles ou Sir Bobby Charlton, notamment, ont pu pâtir des conséquences de cet aspect du jeu, avec des cas de démence de plus en plus fréquents chez les anciens footballeurs britanniques. Les anciens footballeurs professionnels auraient ainsi 3,5 fois plus de risques que le reste de la population de mourir d'une maladie neurodégénérative.

Les études préliminaires ont identifié les différentes forces impliquées dans le jeu de tête, et cela a aidé un groupe de travail issu de différents corps gouvernants à définir ces directives.

En nous basant sur les informations à notre disposition, qui ont montré que la majorité des têtes n'impliquent que peu de forces, les instructions initiales à destination du football professionnel porteront sur les têtes qui impliquent plus de forces.

Il s'agit typiquement des têtes qui suivent une longue passe (plus de 35 mètres), un centre, un corner ou un coup franc. Il sera recommandé qu'un maximum de dix têtes impliquant des forces importantes soient jouées chaque semaine à l'entraînement.

Cette recommandation est fournie pour protéger le bien-être des joueurs, et sera revue régulièrement, en même temps que plus de recherches sont entreprises pour mieux comprendre l'impact du jeu de tête dans le football.

Communiqué joint signé par la Football Association, la Premier League, l'English Football League, la Professional Footballers' association et la League Managers' Association.

Pour les amateurs, la directive est de "dix têtes par session, avec une seule session par semaine dans laquelle le jeu de tête est pratiqué".

Pour rappel, les enfants de onze ans et moins ne sont plus censés pratiquer plus le jeu de tête à l'entraînement en Angleterre, Ecosse et Irlande du Nord depuis février 2020.

Bonne ou mauvaise idée ?

Limiter le jeu de tête à l'entraînement, voire peut-être un jour en match, est-il vraiment utile ? Souhaitable ?

Le jeu de tête fait après tout intégrante partie du football, et les joueurs très bons de la tête ont un avantage indéniable sur ceux qui le sont moins. Avantage qui risquerait donc de se retrouver réduit à néant avec des nouvelles directives, et celles qui pourraient suivre. On peut d'ailleurs se poser la question de la compétitivité du football anglais face au reste de l'Europe, si ces directives sont appliquées.

Cela dit, on ne peut pas non plus fermer les yeux sur le fait que les joueurs professionnels sont des êtres humains comme les autres, pas des bêtes de foire, et qu'à ce titre, leur santé à long terme mérite d'être considérée. Personne n'a envie de voir un Sir Bobby Charlton, et peut-être demain un Bryan Robson, un Eric Cantona ou un Wayne Rooney finir sa vie dans des conditions déplorables, alors que cela aurait pu être évité.

Quelle que soit la décision prise, il y aura toujours des voix dissonantes qui s'élèveront. En l'occurrence, ce serait pour exprimer le fait que ce genre de risques fait partie du jeu, qu'il ne faut pas dénaturer le football ou surprotéger les joueurs, ou qu'il est impossible de prouver la relation entre le jeu de tête et la maladie mentale chez les footballeurs. Et ces personnes auront peut-être en partie raison.

Mais face à la situation, les corps gouvernants du football anglais ont au moins le mérite d'essayer quelque chose pour régler le problème à la source. Il s'agit d'un acte suffisamment courageux pour qu'on le souligne, car il serait au moins aussi confortable de ne rien faire et d'expliquer dans dix ou vingt ans que "nous n'avions pas suffisamment d'éléments pour prendre une décision".

On ne peut qu'espérer que les joueurs que nous avons supportés toute notre vie, et les générations qui les suivront, auront le droit à vivre une vie normale. Quand bien même on parle de joueurs qui touchent des salaires mirobolants pour le commun des mortels, rappelons que la santé, ça n'a pas de prix !

Mais de toute façon, la question risque de ne pas réellement se poser. A moins d'envoyer un inspecteur neutre sur chaque terrain d'entraînement du Royaume, qui ira vérifier si les joueurs professionnels limitent réellement leur jeu de tête à l'entraînement ? Qui ira débattre de si cette tête du numéro 8 était une tête de plus forte intensité ou d'intensité moyenne, pour la comptabiliser dans le petit carnet sur le banc de touche ?

Bref, cette décision paraît aussi courageuse qu'inapplicable. Et on ne peut qu'espérer, surtout, qu'il ne s'agit pas que d'une décision de façade, histoire de dire que "nous, on a fait ce qu'on pouvait, la balle est dans votre camp". Sans tomber dans la dramaturgie, c'est malheureusement toujours un doute légitime lorsqu'il s'agit d'une décision prise par des organismes principalement politiques.

Crédit photo : Paul Chesterton

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